JUSTICE VERDICT LE 3 JUILLET; Garnier, Adecco et Districom au tribunal pour discrimination raciale

France

 

by Nathalie Brafman

Le Monde: 17mai 2007

 
LES PLAIGNANTS étaient venus en nombre assister à la comparution pour discrimination raciale à l’embauche, mardi 15 mai, devant la 11e cour d’appel de Paris, des sociétés Garnier, filiale de L’Oréal, Adecco, spécialiste du travail intérimaire, et Districom, l’une de ses filiales. En première instance, le 1er juin 2006, ces entreprises avaient été relaxées par le tribunal correctionnel de Paris, contre l’avis du parquet, qui avait demandé des amendes. Celui-ci avait fait appel, tout comme l’association SOS-Racisme, partie civile.

Les faits reprochés remontent à 2000. Alerté par une ancienne salariée de Districom, Christine Cassan, l’association SOS-Racisme avait poursuivi ces trois sociétés pour " discrimination en raison d’origine, de la nationalité ou de l’ethnie " et " refus d’embauche " lors d’opérations promotionnelles dans la grande distribution pour des produits capillaires – Fructis Style -, fabriqués par Garnier. La filiale de L’Oréal aurait, selon l’accusation, demandé de ne pas embaucher des jeunes filles d’origine arabe, africaine ou asiatique.

LE TYPE " BBR "

L’accusation s’appuie sur des témoignages oraux et un fax de l’ex-directrice générale de Districom, Thérèse Coulange, envoyé à Adecco, spécifiant que les animatrices devaient avoir le type " BBR ", c’est-à-dire bleu, blanc, rouge, être âgées de 18 à 22 ans et faire une taille 40 maximum. " Initiative personnelle ", avait soutenu Mme Coulange, lors de l’audience en première instance. Pour elle, BBR signifiait " qui parle bien français " et non " pas d’étrangers ".

Gravement malade, Mme Coulange était absente mardi devant la cour d’appel. Les deux autres cadres poursuivis, Jacques Delsaut, directeur commercial d’Adecco, et Laurent Dubois, ancien patron de Garnier, ont continué de réfuter les accusations de discrimination. " Je n’ai jamais donné le moindre ordre de discrimination.

Pour appuyer ses propos, il a rappelé que la marque Fructis Style " a été l’une des premières en France à mettre en scène des personnes de toutes nationalités dans ses publicités ". Dans un communiqué publié un peu plus tôt mardi, le géant mondial des cosmétiques indique ne tolérer " aucune forme de racisme ou de discrimination " et rappelle que " le respect de la personne humaine est un principe fondamental " de l’entreprise.

Dans les conclusions déposées par les avocats de SOS-Racisme, Jacky Benazerah et Dominique Tricaud, apparaît le témoignage de Brigitte Sanchez : " Je n’avais pas la bonne couleur de peau. je suis métisse et (…) Districom n’a jamais voulu me confier la promotion de ses produits. " La jeune fille souligne n’avoir jamais ressenti de racisme de la part de Mmes Cassan et Coulange. " Selon leurs dires, cela provient d’une personne chez Garnier qui n’aimait pas les gens de couleur. "

De son côté, M. Delsaut a souligné la " politique volontariste de dénonciation des pratiques discriminatoires " mis en place chez Adecco. L’un des avocats de SOS-Racisme s’est néanmoins interrogé sur l’existence du " code BBR " chez l’intérimaire dans une autre affaire en cours d’instruction. Enfin, selon une enquête de l’inspection du travail versée au dossier, les candidates de couleur avaient été exclues par Adecco de l’équipe finale d’animatrices commerciales, où elles représentaient moins de 4 % au total.

Le parquet a requis la relaxe de Garnier " au bénéfice du doute ". " La preuve de la participation directe à la discrimination n’est pas rapportée ", a estimé Antoine Bartoli, procureur général. Il a aussi demandé la relaxe pour M. Dubois et M. Delsaut. En revanche, il a requis des amendes d’au moins 100 000 euros contre Adecco, Ajilon (ex-Districom) et son ex-directrice ajointe, Mme Coulange.

L’arrêt a été mis en délibéré au 3 juillet.

 
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